Why ? That's really my only question. Why ? (Althéo)

Au moment de Noël, on est toujours invités partout. Sur les plateaux télévisés surtout, ils ont besoin de monde pour meubler les longues journées des vacances d'hiver, parce qu'y a des gens qui s'ennuient à cette période, encore plus que d'habitude. Des gens seuls, d'autres bien entourés mais qui s'ennuient quand même, puis y a nous, les gens connus qui doivent assurer leur distraction. Comme j'étais techniquement retiré de la scène musicale, j'avais pu dire non à tout le monde cette année. J'avais prétexté des révisions et des examens. Rien que d'y penser, ça m'arrache un ricanement. Mes notes sont tellement catastrophiques depuis le début de l'année que réviser ne m'aide plus. Du tout. Je suis noyé sous la montagne de livres qu'on a à lire mais j'ai décidé de m'en foutre et de sortir à la place. Parce que ce soir je suis pas invité sur un plateau télé mais chez les De Rosalie, pour une soirée de cocktail avec don de charité à une association de je ne sais quoi. Pour être honnête je crois que tout le monde se fout toujours de la fondation à laquelle on donne de l'argent, de toutes façons ça ne change jamais rien, peu importe combien on donne, les riches restent riches et les pauvres pauvres. Je me suis engoncé dans un costume trois pièces Givenchy auquel j'ai assorti un noeud papillon et j'ai sauté dans un taxi. Et sauter et le mot juste, je me suis même cogné la tête contre le plafond en faisant ça. J'ai du pencher la tête en arrière tout le trajet pour éviter de pleurer en ruinant au passage mon maquillage, hors de question que les éventuels paparazzi me voient en mode emo avec le mascara coulant.

Et puis il y a la villa, somptueusement décorée, comme les gens qui la peuplent croulant sous les bijoux et le maquillage. Je dis bonjour à mes hôtes avant d'aller prendre une coupe de champagne, et puis je cherche du regard un visage connu, quelqu'un à qui je pourrais parler et me retrouve à parler à une bande de magistrats que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam pendant cinquante bonnes minutes, riant trop fort et racontant n'importe quoi pourvu que ça mousse. « J'ai envie de faire pipi. » Il n'y a pas que moi qui éclate de rire en entendant mes mots, c'est toute l'assemblée qui se moque de moi mais pour être honnête le champagne fait son oeuvre et je suis déjà un peu pompette en me dirigeant vers les toilettes, j'ai envie de rire, de danser, de m'amuser. Finalement, j'aurais fait mieux d'aller dans un bar avec un de mes colocs ou à une soirée chez quelqu'un d'un peu moins riche. Je fais rapidement mon affaire et en ressortant je passe devant des escaliers s'enfonçant dans le noir. Mon sourire s'efface de mon visage immédiatement. La porte n'était pas du tout ouverte là première fois où je suis passé par là. Je m'arrête devant, troublé en commençant à me monter la tête tout seul avec tous les films d'horreur qu'on m'a obligé à regarder dans ma vie. Et puis, je l'entends, le feulement, le miaulement, le bruit déchirant qui vient d'en bas. Les yeux ronds comme des soucoupes je regarde tout autour de moi des fois que quelqu'un de beaucoup plus qualifié serait à porté pour aller sauver un chaton dans le noir absolu. A LA CAVE. Pas de chance, personne en vue.

Je repars dans le hall voir si je connaîtrais pas un super-héro capable de m'aider et en me mettant sur la pointe des pieds pour y voir encore mieux, je repère sa chevelure blonde et son visage angélique. Althéo est là et je l'ai pas vu de la soirée ? Vraiment ? Je me fraie un chemin jusqu'à lui marmonnant des pardon du bout des lèvres à chaque fois que je marche sur la robe d'une diva, que je pousse le bras de celui qui voulait boire ou que je bouscule le "mari de". Je finis par attraper son bras et par l'entraîner à ma suite en lui expliquant en même temps. « Althéo, tu tombes trop bien. J'ai besoin de ton aide pour un truc là-bas, attends viens je t'explique. En fait voilà, j'étais là tranquille, je faisais la fête avec... Enfin c'est pas important. Et là tout à coup j'ai eu envie d'aller aux toilettes. Alors moi j'y vais, attention. Oups, pardon. Et là, je ressors. Et tu devineras JAMAIS ce que je vois. La porte de la cave, ouverte alors-que-juste-avant-elle-était-fermée, ouais je sais on dirait trop un fil d'horreur. N'empêche que j'ai entendu un chaton en bas et il avait l'air coincé, il faut que tu m'aides à l'aider. S'teu plait. »

Je m'arrête à quelques pas de la cave et je scrute le visage de mon ami à la recherche de la compréhension et de l'assentiment que j'attends. Il faut qu'il m'aide, il le faut. « Un chat ? Dans une cave ? » Je hoche la tête avec empressement. Bon, au moins il a bien compris et puis, il est pas parti en se fichant de moi donc ça doit être bon signe. « Ouaip. Je l'ai entendu miauler. Juste par là. » Je pointe les escaliers sombres du doigt. « Ok, on y va. » Un immense sourire s'étale sur mon visage. Voilà pourquoi on est amis, vous voyez. Parce qu'il est prêt à me suivre dans une cave aussi sombre que l'éclat de mes yeux, pou sauver un chat dont on entend plus le moindre miaulement depuis que je suis allé le chercher -bien entendu. Je l'observe fixer les escaliers un moment avant de claquer ma langue contre mon palais. Mes mains trouvent naturellement le chemin de hanches et je le pousse devant moi, parce que j'ai clairement besoin de me cacher derrière quelqu'un pour descendre là-dedans, on se croirait dans ce film où la meuf, un peu niaise, descends à la cave à minuit, sans lumière parce qu'elle a entendu un bruit. Je vous laisse imaginer ce qu'il se passe après, le plus souvent elle se fait soit manger par une créature soit torturer après ça. Je dépasse Althéo d'une bonne tête ce qui me permet en fait de voir ce qu'il se passe devant, je préfèrerais pas, pour être honnête. Une marche après l'autre, l'obscurité devient plus intense et on finit par ne plus rien y voir. « Althéo, allume la lumière. » Mon chuchotement fait écho contre les murs froids de la pièce. Et je commence à avoir sérieusement peur, alors lorsque mes pieds touchent enfin le béton dur du sol, c'est mes bras entiers qui viennent enlacer sa taille et je regarde nerveusement autour de nous sans pouvoir distinguer quoi que ce soit. « Ou-où il est le chat ? » Je continue à murmurer, j'ai pas envie de réveiller un quelconque monstre venu d'un autre monde horrible style l'Enfer. Je commence à faire des petits bruits de bouche pour appeler le chat en vain. Et puis, il y a le bruit le plus terrifiant que j'ai jamais entendu qui se fait entendre derrière mois et je lâche un cri désespéré en finissant accroupi, les bras devant mon visage. Un rire résonne d'en haut, où quelqu'un vient de fermer la porte. J'attrape fébrilement la main d'Althéo et je l'entraine le plus loin possible dans la cave froide en frôlant divers meubles, en trébuchant sur un tapis, et en cassant quelque chose qui devait être fragile avant d'atteindre le mur du fond. Je me plaque dans l'angle et attire Althéo contre moi, ma main sur sa bouche en priant pour que le méchant ne nous trouve jamais. « On va se faire zigouiller. » J'en chouine presque.