LA OU JE N'AI PLUS PIED,
LA OU JE PERDS LE SOUFFLE,
TOUT AU FOND DE TES YEUX.
Le sang qui bat contre tes tempes te rend nauséeux, le monde semble tourner autour de toi, virevolter en une série de tons monochromes d'un gris maladif, tu ne sais pas vraiment si tu es malade ou si ton esprit s'est éteint afin que tu souffres un peu moins, comme une mesure d'urgence contre l'intense cœur brisé qui se débat dans ta poitrine pour continuer de fonctionner, de te faire ressentir la pénibilité de la vie, la lourdeur de tes pas. Ton corps n'est rien de plus qu'un robot, guidé par l'instinct de survie et c'est étrange, ça ne semble même pas être le tien, cette force te semble presque étrangère, dérangeante, intrusive. Mais une longue bouffée d'air t'envahit soudain lorsqu'une main s'agrippe à ton bras, te retient, te garde une fois encore, prêt à pardonner jusqu'à la pire des choses que tu aies pu faire. Tu sais que c'est lui, qu'il est le seul pour toi et en cet instant, alors que ton regard glisse sur ses phalanges étroitement serrées contre ton bras, tu te demandes s'il peut le sentir, lui aussi, ce destin commun, cette attirance formidable et unique qui ne manquait pas de t'ôter le souffle à chaque fois que vos regards se croisaient, s'accrochaient, s'embrasaient. Tu le vois tomber et c'est ton palpitant qui le suit dans sa chute. Nash avait toujours été fort, les épaules droites, la tête haute, tu ne l'avais jamais vu aussi fragile, aussi perdu, et c'est un petit bout de toi qui souffre en même temps que lui. Tes jambes plient facilement et tu tombes devant lui, posant ton front contre ses genoux, ta main se serrant autour de la sienne qui te semble si frêle ce soir. « Nash. » Tu l'appelles mais toi-même tu en ignores la raison, il est juste devant toi de toute façon, pourtant il te semble inatteignable. « J'ai sauté parce que je t'aime, je pourrais pas vivre sans toi. J'ai sauté parce que tu es ce qui m'est arrivé de mieux de toute ma vie... Je... préférerais donner ma vie plutôt que de te voir perdre la tienne. » Tu avais un millier de réponses à cette question, tu le sauverais qu'elle qu'en soit la raison, le prix, la cause, tu ne pouvais plus imaginer fouler le sol de Polaris sans sa main au creux de la tienne. C'était le pourquoi donc tu l'avais poussé qui t'ennuyait plus et te laissait sans explications, sans réponse, sans mots. Tu sens tes dents se serrer car tu vas bientôt devoir tout lui dire, plus aucun secret n'existera pour lui, et peut être que ce que tu auras à lui révéler ne lui plaira pas, peut être que tout ce que tu t'apprêtes à lui dire te le prendra, mais tu sais que tu le lui dois, au moins ça. « D'abord, tout ce qu'on a vécu, c'était vrai. Tout ce que j't'ai dit est vrai. Et ce que j'ai pas dit... C'était parce que j'pouvais pas risquer de te perdre. » Tu relèves doucement le regard vers lui et te mords la lèvre. « Je suis bien d'Australie, et j'avais pas un rond, j'connaissais pas mon père et ma mère était alcoolique. Puis mon père s'est rappelé de moi dans son testament et j'me suis retrouvé avec une putain de fortune, alors j'ai déménagé ici... Je... J'suis bien barman mais je... J'suis aussi le boss là-bas. J'vis pas vraiment dans l'appartement que tu connais j'en ai un autre. » Tu as peur de lire la déception dans ses yeux, à l'idée que tout ce qu'il avait cru vrai n'était qu'une formidable comédie, tu sais qu'il aurait le droit de te mettre le coup de poing le plus magistral de ta vie et de te laisser là comme un pauvre chien, pourtant tu espères pouvoir le convaincre qu'il est tout ce que tu souhaites. « J'suis un connard mais j'ai juste menti parce que... Je savais que tu voudrais pas sortir avec un mec plein de tunes ! Parce que tu t'es toujours battu pour ce en quoi tu crois et t'as toujours été formidable, tu t'occupes de ta tarée de sœur, tu paies tes loyers, tu trouves même le temps de m'inviter, moi, le plus gros con de la terre. Je... Nash, j'te jure que j't'aime plus que tout et je... Changerais tout de ma vie. Sauf toi. »
CODAGE PAR AMIANTE