who r u. ft. thane.

Elle était venue ce matin. Elle avait débarquée dans ce débarras, derrière la boutique de tante Jeanne, ce coin qui sent la poussière et un peu l’humidité aussi. Elle était entrée, sans même prendre la peine de frapper à la porte, un espèce de morceau de laine dans une main, et une laisse dans l’autre. Premier coup d’oeil, et tu avais remarqué qu’elle était à bout de souffle. Au second, tu avais noter son accoutrement de grande dame, son rouge à lèvre bien rouge mais qui filait dans les ridules de ses lèvres trop vieilles et attaquées par le froid. La fourrure, fausse, qu’elle portait autour du cou, à moitié défaite. D’ailleurs, au troisième coup d’oeil, tu remarques son chapeau de travers, son manteau mal ajusté, son épais collant troué aux deux genoux et son talon, pourtant épais, brisé. Derrière elle, tante Jeanne finit par arriver à son tour. Essouflée. Un peu moins que cette femme cela dit. Dans un premier temps, tu fronces les sourcils. C’est vrai quoi, c’est pas parce que t’as pas un super bureau en ville, avec de supers meubles et du matériel dernier cri, sans oublier une secrétaire, qu’on doit forcément te manquer de respect et entrer ici comme dans un moulin. Ouep. Enfin. En réalité, ça ne fonctionne pas du tout. T’auras beau tout essayer ma pauvre Nova. Tu fais peur à personne. Même pas à une vieille dame en détresse. Il n’y a que Jeanne qui semble remarquer ton pseudo mécontentement. Mais elle te connait. Et elle te connait assez bien savoir qu’elle n’a que quelques mots à prononcer pour te calmer illico presto. “C’est une cliente, Nova.”

Aussitôt, tu abandonnes ta mine des mauvais jours, tu chopes un calepin, un stylo, tu poses les deux mains sur la table bancale qui te sers de bureau et tu fixes la vieille très sérieusement, l’invitant dans un premier temps à s’asseoir sur la vieille chaise, devant toi. Elle s'exécute, soudainement tremblante, sans doute libérée de l’adrénaline qui l’avait fait courir jusqu’à toi. “Que puis-je faire pour vous ?” En vérité, tu parais encore bien excitée pour qu’elle te prennes au sérieux. Ta voix part bien trop dans les aiguës. Et puis tu t’agites beaucoup trop. Mais tout ça, elle ne semble pas le relever. Ou pas le remarquer. Elle se contente d’expliquer sa situation, ce qui l’amène ici. Et au fil de son récit, ton excitation redescend. Petit à petit. En gros ? Elle vient de se faire piquer son chien par, citons “un sale petit délinquant”, et elle refuse d’aller trouver la Police parce que, citons une nouvelle fois “c’est rien qu’une bande de crétins des îles incapables”. Tu soupires, légèrement. Tu n’as même pas pris de note, bien que tu ai fais semblant en dessinant des bonhommes moches sur ton calepin. En vérité, tu ne sais pas trop quoi répondre. Une histoire de dognapping. Non mais, sérieusement ? Tu n’allais certainement pas te rabaisser à ça. C’était du sérieux ton boulot. D’ailleurs, tu ouvres déjà la bouche, pour expliquer à cette gentille madame que c’est tout à fait hors de question et qu’elle n’a qu'à aller quand même déposer une plainte ou mettre des foutus avis de recherches. Sauf qu’elle t’arrêtes net dans ton élan en déposant une petite liasse de billets. “C’est la moitié. Vous aurez le reste quand vous aurez trouver Bobby.” Là dessus, elle se lève, déposant au dessus de la liasse une photo de son Yorkshire avant de sortir. Bon … et bah tu supposes que tu prends l’affaire ?

Ouais. Ouais sauf qu’après deux heures d’intenses réflexions, tu sais toujours pas par où commencer. T’es sortie. T’as été sur le lieu du “crime”. Rien. T’as poser des questions autour. Rien. Tout ce que tu sais, c’est que c’est pas la première fois qu’une vieille peau se fait chiper son caniche dans le quartier. Super. Un voleur de chiens en série. C’était de plus ou plus ridicule. Et le plus ridicule dans l’histoire, c’est que t’avais déjà épuiser tes ressources. En fait. Il te restait qu’Andreas. Andreas dont t’avais dénicher l’adresse en fouinant sur son compte pour voir si tu pouvais avoir confiance. Tu savais toujours pas si tu pouvais. Mais au moins, tu savais où il habitait. Et ça c’était pratique. Finalement, tu t’y étais donc rendu. Tu t’étais faufiler, jusqu'à arriver à la porte de son appartement et tu avais rageusement cogner dessus, avant de te poser contre le mur juste à côté en attendant qu’on t’ouvres. Il avait intérêt à être là, tiens.

Le jeune homme était assit dans le canapé. Sa nouvelle vie sur terre et ici dans l'appartement d'Andreas changeait de tout ce qu'il avait vu depuis sa récente arrivée. Du coup, il avait découvert un engin drôlement intéressant et extraordinaire : la télévision ! Depuis ce fameux soir où cette boite à image s'était allumée lui dévoilant une fenêtre ouverte sur le monde, il restait pendu devant à regarder comme un zombie. Il avait déjà réussi à passer vingt-quatre heures entière devant, se levant à peine pour aller aux toilettes faire pipi. Thane était comme hypnotisé, zappant de chaîne en chaîne sans cesse. Au bout d'un jour, il avait quand même fini par s'endormir devant se réveillant bien évidemment le lendemain avec des cernes et une fatigue horrible. Ceci ne l'empêche pourtant pas de continuer à regarder cette boite à troubadour.

Là, il était justement assit en tailleur sur le canapé avec un coussin sur les jambes et un paquet de chips à rire devant une émission débile. Certes, il ne comprenait pas la moitié de ce qu'il racontait, mais les têtes et les réactions des gens étaient marrantes et provoquait une certaine hilarité chez lui. Andreas n'était pas là, alors il ne pouvait par râler en le voyant ainsi. C'est qu'il va devoir trouver un but à sa vie, le petit Thane, encore faut-il qu'il trouve. Car ce monde est encore tout nouveau pour lui et qu'il y a beaucoup de choses à apprendre. La télé est d'ailleurs un excellent moyen pour connaître de nouvelles choses... si seulement il se décidait à regarder des programmes intelligents et pas les jeux télé ou la télé réalité qui ont tendance à anéantir le cerveau.

Plongé dans son émission, il n'entendit pas tout de suite frapper. D'ailleurs, qu'est-ce que ça veut dire quand on frappe comme ça à une porte ? Au bout d'un moment, il baissa le son de la télévision et regarda autour de lui. "Andreas ?" demande-t-il, pourtant il était presque sûr qu'il n'était pas là. L'étoile se décida à se lever, gardant son paquet de chips en main. Ainsi débutant son errance dans le salon à la recherche de ce son étrange. Mais il n'y avait plus de bruit... ce n'était rien ? Ce n'est qu'une fois de nouveau assit que ça recommença. Intrigué, il se leva en regardant partout tel une marmotte qui guette le danger. Le son reprit, plus fort qu'avant. C'est là qu'il comprit d’où sa venez. C'était la porte d'entrée. Depuis quand les objets font du bruit tout seul ? Sans savoir vraiment pourquoi, il ouvrit sans s'imaginer qu'on annonce sa présence en frappant à une porte. Là, il découvrit une jeune femme qu'il n'avait jamais vu. Serait-ce une nouvelle amie ? "Vous voulez des chips ?" demande-t-il en proposant son paquet. La logique aurait voulu qu'il dise bonjour, sauf qu'il ne connaît pas encore les règles de politesse. Il est comme ça Thane, il laisse son bon cœur parler et s'imagine qu'elle veut manger. "Vous aussi vous voulez êtres mon amie ?" demande-t-il avec un grand sourire en pensant que c'est le jackpot d'avoir des amis qui viennent à lui comme ça.

Non, mais sérieux quoi. Regardes où tu en étais rendue pour cette foutue histoire de chien volé. Volé, ouais. Même pas perdu. Volé. Le pire dans l’histoire, c’est que tout ça avait commencé à prendre des allures ridiculement sérieuses quand tu avais appris que le cas de cette pauvre madame très riche n’était pas isolé. Et que oui, d’autres madames très riches s’étaient faites tout bonnement arracher leur chien, au lieu de leur à main, au beau milieu de la rue. RI-DI-CULE. Clairement. Et en temps normal, tu aurais peut être envoyer cette dame voir ailleurs, sauf que là, elle t’avais appâter avec ses billets … billets dont tu avais cruellement besoin pour investir dans ton affaire si justement, tu voulais faire autre chose que du rapt de toutou.

Tu soupires très lourdement. Bien sûr que tu es stressée, et énervée. Appuyée contre le mur, à côté de la porte de l’appartement d’Andreas, tu en es déjà à t’arracher la peau des doigts, et puis à te ronger les ongles. Soit il n’était pas. Soit il était occupé. Soit ça l’éclatait de te faire poireauter. Soit il avait tout simplement envie d’ouvrir à personne et clairement, ça c’était pas une option. Bon. La vérité, c’est qu’Andreas était le seul type que tu connaissais. Il était venu te voir il y a quelques temps pour te poser des questions, et pour que tu l’aides dans ses recherches … en Asie. Forcément, tu n’avais rien pu faire pour lui. De un, parce que tu n’as aucun contact en Asie, déjà que t’avais personne à Polaris alors bon … De deux, parce que tu causais pas un mot de Chinois, de Coréen, de Mandarin, ou de Japonais. Que dalle. Tu parlais que ta langue, c’était suffisant pour toi pour l’instant. Et de trois, parce que tu aimais voir les choses en vrai et que t’avais pas les finances pour un aller-retour. Lui non plus, d’ailleurs. Du coup, ça avait été un coup dans l’eau pour lui. Mais toi, t’y avais gagner une connaissance, et un informateur qui avait accès à quelques trucs à l’Université. En clair : peut-être bien que t’étais venue le faire chier pour rien, parce qu’il aurait aucune info sur un quelconque chien dognappé.

Nouveau soupire. Ok, ça te saoule un peu d’attendre sans rien faire. Du coup, tu te redresses et puis tu reviens à la charge et tu tambourines encore un peu à la porte. “Andreas, ouvre !” Et clairement, là, t’es à deux doigts d’abandonner et de rentrer chez toi. Mais, tu entends du bruit. Des pas. Alors tu plisses les yeux, et puis tu colles ton oreille à la porte pour écouter. Encore des pas. Cette fois, c’est sûr, y’a quelqu’un chez Andreas. T’es même presque certaine d’avoir entendu autre chose. Une voix. Des voix, même. Peut-être bien la télé. Du coup, tu cognes à nouveau, cette fois un peu plus furieusement. Et là, finalement, voilà que cette fichue porte finit par s’ouvrir. A bout de nerfs, tu étais d’ailleurs déjà prête à faire un scandale à ce pauvre Andreas … sauf, que bah, c’est pas Andreas. Lui, tu le connais pas. Tu l’as jamais vu. L’espace d’un moment, tu te demandes même si tu t’es pas trompée d’adresse tiens. “Vous voulez des chips ?” … Des. Chips. Tu restes plantée, un moment. En réalité, tu te demandes si ce type est sérieux, ou s’il se paye ta tête. Le pire, c’est qu’il te tend le paquet qu’il a dans les mains. Tu parles d’un accueil. “Vous aussi vous voulez être mon amie ?” Et là, voilà qu’il t’offre ce grand sourire, si sincère. Tu penses même pouvoir affirmer que ses yeux brillent d’une certaine lueur, quand il te pose cette question tellement … enfantine, finalement. “Euh …” Et oui. Pour la première fois, tu restes silencieuse. Ne sachant que dire, que répondre. Ce n’est pas un enfant. Ce gars à ton âge, ou du moins il n’en est pas loin, c’est un adulte. Mais son comportement n’est clairement pas normal, alors rapidement, tu revérifies l’adresse noté sur ton Smartphone … c’est bien l’appartement d’Andreas, d’après tes infos. Alors, tu reprends un peu d’assurance, et ignorant le paquet de chips tendu, tu lui passes à côté pour entrer dans l’appartement. “Non merci.” lances-tu tout de même en avisant l’endroit, visiblement vide. “En fait je cherche Andreas, il habite ici, non ? T’es un de ses amis ?” Tu finis par te retourner de nouveau pour observer cet inconnu un peu étrange. Il a l’air complètement à la masse le pauvre, son paquet de chips toujours tendu devant lui. “Bon …” Tu fais un pas, attrapant tout de même une chips dans le paquet que tu grignotes. “T’es qui ? Tu t’appelles comment ? Moi c’est Nova.”

C'est la première fois que quelqu'un frappait à la porte. Voilà un tout nouveau concept qu'il découvre, lui qui ne connaît pas encore grand-chose du mode de vie des humains. La télévision lui apprend des choses, mais c'est tellement rapide et tellement peu expliqué qu'il a du mal à tout saisir. Peut-être que Thane est un astre assez lent à comprendre ? C'est possible. A moins que ce soit à cause du fait qu'il s'émerveille d'un rien bien trop facilement et que le côté apprentissage passe toujours à côté de lui. Malgré tout, il avait trouvé d'où venait ce bruit, de la porte et en l'ouvrant il avait découvert cette charmante demoiselle totalement inconnu.

Au lieu d'accepter les chips si gentiment proposé par le jeune homme, elle préféra observer cette petite boite interactive que chaque humain a sur lui. C'est d'ailleurs un objet qui l'intrigue, à chaque fois qu'il voit ça à la télé, il se rapproche collant presque son nez sur l'écran pour essayer de voir le mini humain se trouvant à l'intérieur, mais il ne voit jamais rien. Étrange... Est-ce que c'est un moyen d'avoir ses amis toujours sur soit ? Il y a un moyen de les enfermer à l'intérieur et de pouvoir les faire sortir plus tard, non ? Il faudra qu'il demande à Andreas, il aurait certainement la réponse pour lui. La femme entre sans même lui répondre. Elle demande justement le jeune homme, c'est en effet ici qu'il habite, mais il est actuellement de sortie. "Andreas n'est pas là, il est je ne sais pas où. En général, il revient le soir !" explique-t-il en se souvenant du manège des jours précédents. "Andreas est mon ami ! Il m'a ramené chez lui et offert de la mousse au chocolat ! Oh !!! Tu veux de la mousse au chocolat ?" demande-t-il. Sans attendre, alors qu'elle venait de lui piquer une chips, il lui donne le paquet et la prend par le poigné pour l'emmener dans la cuisine en ignorant un peu ses questions. Arrivé à destination, il ouvre le frigo où il a plusieurs plats de mousse au chocolat fait maison. Ayant une véritable passion pour le chocolat, le jeune homme a appris à en faire et il peut cuisiner plusieurs fois par jour et s'en gaver jusqu'à plus faim. Ses mains attrapent le premier plat pour le sortir du frigo et le tendre à la jeune femme. "C'est bon ! Tu peux tout manger, j'en ai plein d'autres !" Son sourire envahie son visage, comme un enfant. Il manquerait qu'il ait des dents en moins pour vraiment avoir l'air d'un gosse. "Moi c'est Thane ! Thane Borealis et je suis l'ami d'Andreas ! Tu sais que c'est mon premier ami que je me suis fait. J'ai rencontré des gens avant quand je suis arrivée sur terre, mais lui c'est le seul qui a bien voulu devenir mon ami ! Aux yeux de la jeune femme, il allait sûrement passer pour un fou, mais lui qu'est-ce qu'il peut en savoir ? Il n'est pas d'ici, ça fait quelques semaines qu'il est ici et avant de comprendre tout, il faudra encore quelques mois.